Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 août 2014 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4789 du 20 août 2014), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par l’association Mouvement raëlien international, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième alinéas de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l’association requérante par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 16 septembre et 1er octobre 2014 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 septembre 2014 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Foussard pour l’association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 21 octobre 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 susvisée : « Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.
« La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration. Un exemplaire des statuts est joint à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours.
« Lorsque l’association aura son siège social à l’étranger, la déclaration préalable prévue à l’alinéa précédent sera faite à la préfecture du département où est situé le siège de son principal établissement.
« L’association n’est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production de ce récépissé.
« Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.
« Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés.
« Les modifications et changements seront en outre consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu’elles en feront la demande » ;
2. Considérant que, selon l’association requérante, les dispositions des deuxième et troisième alinéas de cet article, qui exigent qu’une association ayant son siège social à l’étranger et souhaitant ester en justice en France dépose sa déclaration préalable à la préfecture du département où est situé le siège de son principal établissement, interdisent à une association n’ayant pas d’établissement principal en France d’ester en justice et méconnaissent donc son droit à un recours effectif ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le troisième alinéa de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 susvisée ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’il ressort de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ;
5. Considérant que les quatre premiers alinéas de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 susvisée prévoient que toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, recevoir des dons manuels ainsi que des dons d’établissements d’utilité publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer les cotisations de ses membres, le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres et les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose ; que l’article 5 de cette loi dispose que, pour obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6, toute association doit être rendue publique par ses fondateurs ; que, pour les associations ayant leur siège social en France, l’acquisition de la personnalité morale est subordonnée à la déclaration préalable de leur existence à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association a son siège social ; que, pour les associations ayant leur siège social à l’étranger, le troisième alinéa de l’article 5 prévoit que la déclaration doit être faite à la préfecture du département où est situé le siège de son principal établissement ; qu’en toute hypothèse, l’association n’est rendue publique que par une insertion au Journal officiel ;
6. Considérant qu’aucune exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la reconnaissance en France de la personnalité morale des associations ayant leur siège social à l’étranger et disposant d’un établissement en France soit subordonnée, comme pour les associations ayant leur siège social en France, à une déclaration préalable de leur part à la préfecture du département où est situé le siège de leur principal établissement ;
7. Considérant, toutefois, que les dispositions du troisième alinéa de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 n’ont pas pour objet et ne sauraient, sans porter une atteinte injustifiée au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, être interprétées comme privant les associations ayant leur siège à l’étranger, dotées de la personnalité morale en vertu de la législation dont elles relèvent mais qui ne disposent d’aucun établissement en France, de la qualité pour agir devant les juridictions françaises dans le respect des règles qui encadrent la recevabilité de l’action en justice ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 7, le troisième alinéa de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 novembre 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 7 novembre 2014.